Etude économique de l'UNAPL concernant la déréglementation

 

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Pour verser des arguments économiques incontestables dans le dossier de la déréglementation des professions libérales que tente d’imposer le Gouvernement, et instaurer un débat éclairé, l’UNAPL a confié à l’équipe d’économistes d’Asterès, menée par M. Nicolas BOUZOU, le soin de mener une étude sur la réalité économique des professions libérales réglementées et les conséquences qu’aurait leur déréglementation, telle qu’elle est projetée.

 

Déréglementation des professions libérales : Un mauvais calcul pour la France et les Français,
Présentation des résultats de l’étude économique UNAPL/ASTERES

Le contexte


Pour verser des arguments économiques incontestables dans le dossier de la déréglementation des professions libérales que tente d’imposer le Gouvernement, et instaurer un débat éclairé, l’UNAPL a confié à l’équipe d’économistes d’Asterès, menée par M. Nicolas BOUZOU, le soin de mener une étude sur la réalité économique des professions libérales réglementées et les conséquences qu’aurait leur déréglementation, telle qu’elle est projetée.

Cette étude apporte des clés à la fois micro et macro-économiques indispensables et démontre, comme d’ailleurs l’UNAPL n’a jamais cessé de le manifester que la modernisation des professions est utile, mais qu’il reste indispensable, compte tenu de la spécificité des activités et de ce marché très différent de tous les autres, de maintenir une réglementation.
Elle démontre également les coûts induits pour la collectivité publique, mais aussi pour le consommateur d’une libéralisation qui serait, par ailleurs, en rupture de cohérence avec les logiques économiques gouvernementales actuelles.


Une critique sévère du rapport de l’IGF


Le contenu de cette étude aussi s’inscrit comme une critique du rapport de l’Inspection Générale des Finances sur les professions réglementées auquel il inflige un démenti sur de nombreux points :

  • Un gain économique incertain : les retombées positives envisagées par l’IGF sont balayées par des coûts induits par l’assouplissement. Ces coûts induits concernent la perte de revenu pour les professionnels concernés et les emplois détruits en conséquence. La baisse de prix de 20% qui résulterait de la suppression de la déréglementation ne serait que théorique et c’est l’effet contraire qui risque de se produire. Dans certains domaines où les tarifs ne sont pas réglementés, ils sont plutôt inflationnistes et défavorables au pouvoir d’achat.
  • Une analyse partielle menée exclusivement sous l’angle de la rentabilité économique, alors que les prestations reposent sur la qualité et la personnalisation, que les professionnels en sont personnellement responsables et encourent des sanctions disciplinaires en cas de non-respect des règles de déontologie définies par la profession. Le raccourci entre la rémunération des professionnels, mesurée par le bénéfice comptable, et leur « train de vie » est rapide et ne tient pas compte des charges supportées par la plupart d’entre eux (remboursement de l’office/étude/licence acheté(e) en début d’exercice).
  • Une analyse partiale reposant sur des méthodes discutables via des moyennes de revenus, alors que les écarts sont considérables au sein même des professions, et reposant sur le jugement de personnes composant des panels. Ces méthodes sont dépourvues de rigueur et disqualifient le rapport de l’IGF.


Une méthode contestable et qui le reste


Tout d’abord, l’étude conforte l’UNAPL, qui avait reproché au Gouvernement d’avoir engagé, dans la plus grande opacité, une réforme de cette ampleur alors même que les enjeux sont majeurs à la fois sur le plan économique et sur le plan de la vie quotidienne des consommateurs.
Le pire, c’est qu’en dépit de ses dénégations, et de l’ouverture de discussions avec les professions concernées, le Gouvernement n’a pas modifié sa méthode, et c’est encore, aujourd’hui l’opacité la plus totale qui prévaut.
La fuite de certaines parties du futur texte de loi, notamment pour les professions du Droit, a démontré que tout est prévu et organisé. En effet, chacun, et l’UNAPL la première, ne peut pas ne pas avoir remarqué que le rapport Ferrand est sur bien des points quasiment un « copier-coller » de l’avant-projet de loi qui avait fuité. On peut d’ailleurs s’interroger si ce rapport rédigé à la vitesse de l’éclair, en à peine un mois, sous la houlette d’inspecteurs généraux des Finances, n’a pas été téléguidé depuis Bercy pour gagner du temps, et ceci d’autant plus que l’auteur indique, sur les plateaux télé, que son rapport servira d’ossature à la future loi.

La réalité des professions libérales


Le modèle concurrentiel « classique » qui ajuste l’offre avec la demande n’est pas approprié pour l’analyse des professions libérales réglementées. En effet, le marché des professions libérales est un marché substantiellement différent de tous les autres parce qu’elles n’offrent pas de biens standardisés. Trois éléments caractérisent les services des professionnels libéraux :

  • La prévalence de la qualité sur le prix : Les services fournis par les professions libérales réglementées se distinguent par l’importance attachée par le consommateur à leur qualité. La qualité d’une prestation médicale, juridique ou comptable a plus de valeur aux yeux du consommateur que son prix. Cette situation a pour effet de soustraire ces services à l’analyse concurrentielle classique.
  • L’existence d’asymétries d’information entre le professionnel et le client : La complexité de la prestation et le degré élevé de qualification du professionnel rendent le service opaque aux yeux du consommateur qui doit s’en remettre à l’expertise du professionnel qu’il choisit. Les services et prestations des professionnels libéraux sont dès lors des biens de confiance.
  • Le caractère de « bien collectif » de ces services et la dimension d’intérêt général, puisque certains services opérés par des professionnels libéraux relèvent de la mission de service public.

 

La réglementation apporte une réponse la défaillance de marché


La réglementation est indispensable dans un contexte où les marchés sont caractérisés par la prévalence de la qualité, l’existence d’asymétries d’information, la présence d’externalités pour l’ensemble de la collectivité, et l’absence d’incitations marchandes à produire certains de ces services.
Cette réglementation porte notamment sur deux aspects :

  • Les restrictions d’entrée sur le marché, qui sont quantitatives pour les professions à numerus clausus et qualitatives, lorsque la restriction se fait sur la base des qualifications.
  • Les restrictions d’exercice, avec l’encadrement des honoraires qui protègent le consommateur, les règles relatives à la forme de l’exercice pour encadrer l’activité, prévenir les aléas qui là encore protègent le consommateur, et les règles relatives au capital social qui visent à prévenir les comportements opportunistes et les conflits d’intérêts.

S’y ajoute l’auto régulation par les professions elles-mêmes via les Ordres et qui comporte des sanctions disciplinaires.

Les coûts de la déréglementation


Comme l’avait indiqué l’UNAPL la déréglementation aura un coût qui est décomposé dans l’étude.
Tout d’abord des coûts directs liés à la levée des interdictions. L’ouverture à la concurrence représente un coût pour les professions visées par la déréglementation, qui devra être compensé à travers un système d’indemnisation et par la mise en place de dispositifs de formation et de reconversion des professionnels concernés par la déréglementation. Pour mémoire la suppression de la profession d’avoué près les cours d’appel qui a été fusionnée avec celle d’avocat a conduit à la destruction de 2 230 emplois (430 avoués et 1 800 salariés) et a représenté un coût total de près de 400 millions d’euros, répercuté sur le justiciable moyennant le paiement d’un timbre fiscal lors des procédures d’appel.
Les notaires ont déjà chiffré à 8 milliards d’euros le coût de la libéralisation de leur profession.
Mais ce n’est pas tout, des coûts indirects sont à prévoir et par exemple :

  • L’ouverture du monopole des officines pharmaceutiques sur la vente de médicaments à prescription facultative aurait potentiellement pour effet d’accroître la consommation de médicaments. La France se distingue déjà par un taux de consommation médicamenteuse parmi les plus élevés d’Europe, et les incidences sur le système de santé doivent être prises en compte.
  • L’ouverture du monopole des notaires sur les actes soumis à la propriété foncière aurait pour conséquence de soustraire ces actes à l’authentification. La rédaction d’actes de propriété foncière sous seing-privé, augmente le risque de multiplier les litiges juridictionnels et de représenter un coût important pour les tribunaux. La comparaison avec le système anglo-saxon, auquel le notariat est étranger, est à ce titre édifiante. Un chiffre régulièrement avancé est celuid’un acte notarié sur 1100 faisant l’objet d’une contestation devant les tribunaux en France,contre une vente immobilière sur trois aux Etats-Unis.
  • L’ouverture du monopole des greffiers de tribunaux de commerce pour la tenue du registre des entreprises aurait pour effet de retarder le délai d’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS), fixé par le code de commerce à un jour ouvrable.

S’ajoutent à cela les coûts liés à la préservation de la qualité : L’histoire récente est pavée de déréglementations ratées qui ont conduit à une dégradation de la qualité des services et nécessité une re-réglementation.


La déréglementation a également un coût macroéconomique


La conjoncture actuelle très dégradée (croissance zéro, montée du chômage, dégradation des finances publiques,..) se prête mal à une réforme d’envergure.
Les gains attendus, quoiqu’incertains, ne sont de toute façon possibles qu’à long terme alors que la déstabilisation de l’économie, elle, est immédiate, en particulier sur les ressources du professionnel et sur l’emploi dans les secteurs concernés.
Le rapport coût/bénéfice étant plus qu’incertain, la question de l’opportunité d’une telle réforme mérite d’être posée.
Par ailleurs, le risque de décrédibiliser les choix gouvernementaux récents en termes de politique économique (accroissement des marges des entreprises et relance de l’investissement privé) est réel.

Au total, cette réforme des professions réglementées manque de cohérence avec les politiques économiques engagées par le gouvernement.


Le rapport Ferrand


Ce rapport « TGV » produit en l’espace d’un mois, et sans même attendre les conclusions de la mission sectorielle sur les professions du Droit, reprend en grande partie les éléments contenus dans l’avant-projet de loi qui avait « fuité ». Pour autant, l’UNAPL se félicite de l’abandon, à ce stade à tout le moins, de l’ouverture du capital des SEL aux groupes financiers, pour le limiter à l’interprofessionnalité, pour peu que la question des conflits d’intérêts puisse être résolue. Pour autant, certaines mesures, qui relèvent de la santé publique n’ont rien à faire dans un tel rapport.
L’UNAPL, qui rappelle que les professions libérales sont prêtes à se réformer, pour peu que la réforme soit construite avec elle, qu’elle aille dans le bon sens et qu’elle soit progressive, sans se faire au détriment de la qualité, de l’emploi et du consommateur, reste inquiète et méfiante.
En effet, il y a trop de non-dits et de manipulations dans ce dossier qui relève davantage de la politique de communication d’un Gouvernement à la recherche de boucs émissaires, que d’une volonté de construire ensemble avec des professions dynamiques et créatrices d’emplois. D’ailleurs, à force de maintenir le climat d’insécurité législative actuel, le Gouvernement prend le risque de décourager et de démobiliser un secteur économique indispensable au redressement du pays, pour ne récolter, au final, que des coûts supplémentaires et un accroissement de ses déficits qu’il devra assumer.
Pour l’UNAPL la perspective de la manifestation nationale reste donc plus que jamais d’actualité.

 

 

Télécharger le rapport : http://www.unapl.fr/files/pdf/Asteres-UNAPL-Etude_sur_les_professions_reglementees.pdf

 

 

 
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